C’est une déclaration rendue publique le 25 avril dernier par la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC).

Considérant que la capacité d’accueil des prisons fonctionnelles est passée de 19 155 places pour une population de 30 606 détenus au 31 décembre 2019 à 20 955 places au 8 décembre 202410 pour une population carcérale de 37 150 détenus au 8 décembre 2024, soit un taux d’occupation de 177,28% en 2024 contre 159% en 2019, ce qui représente une hausse de la surpopulation carcérale d’environ 21,5% en cinq ans, indiquant ainsi une tendance haussière des effectifs des personnes incarcérées, ce qui aggrave le problème de la surpopulation dans les prisons”,
La Commission salue les actions menées par le Gouvernement, les partenaires et les organisations de la société civile (OSC) visant à protéger et à promouvoir les Droits des personnes en détention, notamment à travers : l’organisation, les 24 et 25 octobre 2024 à Yaoundé par le MINJUSTICE, de la Réunion annuelle des chefs de Cours d’appel et des délégués régionaux de l’Administration pénitentiaire dont les travaux portaient, d’une part, sur La détention provisoire dans la pratique camerounaise dont le caractère exceptionnel a été rappelé et, d’autre part, sur L’éducation en milieu carcéral;
La Commission salue en outre les réquisitions du procureur général près la Cour suprême du Cameroun, M. Luc NDJODO qui, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la haute juridiction qui s’est tenue le 21 février 2025 à Yaoundé, a exprimé de vives préoccupations concernant les abus liés à la détention provisoire, rappelant que << toute restriction abusive de liberté commise par l’agent public, [le] magistrat ou [le] fonctionnaire des forces de sécurité est formellement prohibée », insistant sur l’obligation pour les officiers de police judiciaire de transmettre quotidiennement au procureur de la République la liste des personnes détenues dans leurs unités et avisant que « les fonctionnaires qui contreviennent aux dispositions protectrices des Droits de la personne objet de poursuites pénales sont, selon les cas, passibles des poursuites judiciaires et des sanctions disciplinaires »,
La Commission rappelle ses actions en faveur de la prévention des abus en matière de détention provisoire ainsi que du désengorgement des prisons.
La Commission condamne très vigoureusement les cas de détention provisoire abusive portés à sa connaissance depuis le 25 avril 2024, principalement le cas de M. Ousman Chetima DJAMALDINI qui, écroué suivant un mandat de détention provisoire le 11 avril 2022 à la Prison centrale de Maroua dans la Région de l’Extrême-Nord pour les faits de complicité d’abus de confiance aggravé, avait bénéficié d’une mise en liberté par jugement n° 116/ADD/COR du 26 octobre 2022 du Tribunal de première instance de Maroua statuant en matière correctionnelle et qui n’a été relaxé qu’après l’intervention en amicus curiae de la CDHC, à l’issue de l’audience publique du 4 octobre 2024;
La Commission réitère au Gouvernement certaines de ses recommandations formulées dans sa précédente Déclaration à l’occasion de la Journée africaine de la détention provisoire le 25 avril 2024, à savoir accélérer la mise en œuvre de l’arrêté conjoint n° 423/MINJUSTICE et n° 000002/MINAS du 19 septembre 2023 portant nomination des assesseurs en matière de délinquance juvénile et des délégués à la liberté surveillée dont le mandat devrait contribuer à désengorger les prisons à travers la mise en œuvre des mesures alternatives à la privation de liberté,
La Commission recommande spécifiquement: Au MINJUSTICE, d’accélérer l’adoption de peines alternatives à l’emprisonnement pour les infractions mineures, comme les travaux d’intérêt général, afin de réduire le nombre de personnes incarcérées en attente de jugement, d’accroître le recrutement et d’étoffer la formation du personnel pénitentiaire, afin d’atteindre un ratio détenus/gardiens conforme aux normes internationales; d’optimiser les infrastructures pénitentiaires en continuant à construire de nouvelles prisons et en intensifiant la rénovation des établissements existants, afin de répondre aux besoins croissants pour l’amélioration des conditions de détention; Au ministère de la Santé publique (MINSANTÉ) d’assurer un accès suffisant des personnes incarcérées aux soins de santé en dotant les établissements pénitentiaires de personnel médical compétent, des équipements ainsi que des médicaments indispensables; Au ministère des Affaires sociales (MINAS), de mettre en place des programmes de réinsertion sociale pour préparer les détenus à leur réinsertion dans la société et pour réduire ainsi les risques de récidive; Au MINCOM de sensibiliser la population sur les Droits des détenus et les alternatives à la détention provisoire, dans le but de favoriser une meilleure compréhension et l’acceptation des mesures non privatives de liberté; Au ministère des Finances de prévoir et d’allouer des ressources budgétaires adéquates pour appuyer les réformes et les améliorations indispensables au sein du système pénitentiaire, La Commission réitère son engagement à poursuivre ses efforts pour la promotion et la protection des Droits de l’homme, spécialement contre l’utilisation excessive de la détention provisoire, à travers :
des interventions en amicus curiae (ami de la cour); des campagnes de sensibilisation; des actions de plaidoyer; des missions d’enquête; le traitement des requêtes et l’auto-saisine; des ateliers de formation et des visites des lieux de privation de liberté;
La Commission réitère également son engagement à collaborer activement avec le MINJUSTICE, le MINDEF, la DGSN, les partenaires internationaux et les OSC pour garantir le respect des conditions qui régissent la détention provisoire et pour promouvoir le respect des Droits de l’homme au Cameroun.
La Commission exhorte vivement toutes les personnes qui se considèrent victimes ou témoins de violation des Droits de l’homme à ne pas rester silencieuses et à signaler systématiquement toutes les violations des Droits humains, y compris celles de détention provisoire arbitraire ou abusive. Elles peuvent saisir la Commission par tous les moyens disponibles, y compris par le truchement de son numéro vert, le 1523 (gratuit, même sans crédit de téléphone).
CDHC